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Objectivité, ma meilleure ennemie



Il ne faut pas que je prenne l'habitude de râler sur cet espace web, car, au départ, ce dernier est fait pour parler de choses positives. Aujourd'hui, il n'en est rien, car ... V en a gros.

Une campagne au ras des paquerettes

Vous me voyez venir avec mes gros sabots. Emmanuel Macron étant devenu le huitième président de la 5ème république ce Dimanche 7 Mai, on pouvait se douter que l'élection présidentielle française avait un rapport avec ce "billet d'humeur".

En fait, plus que Monsieur Macron, c'est la campagne présidentielle toute entière qui m'a laissé un goût plus qu'amer. Parce que Emmanuel Macron est ce qu'il est, mais au delà du personnage, et de ce qu'il incarne, on peut se poser des questions sur la manière dont la campagne entière a été effectuée et traitée ; et je vous le dis tout net ici : le traitement médiatique de cette campagne a laissé la démocratie française nauséeuse au lendemain de l'élection.

L'exemple parfait, voire l'exemple de trop pour moi, a été l'interview de Yann L'Hénoret, réalisateur de "Macron, les coulisses d'une victoire", diffusé le lendemain des résultats sur TF1. Le monsieur, qui a l'air de bien aimer les médias, est passé en l'espace de deux jours au Quotidien de Yann Barthes et chez Bourdin sur RMC pour faire la promotion de son documentaire.

Capture du reportage "Macron, les coulisses d'une victoire"


Si ce n'était que ça, on pourrait comprendre car le reportage est pas mauvais. Mais, dans la démarche comme dans la conception, le documentaire témoigne d'une très grosse hypocrisie de la part de son auteur, et d'un état d'esprit de la presse française arc-bouter sur des principes de neutralité qui n'ont franchement que le nom.

En effet, que ça soit Bourdin, Pujadas, mais aussi les deux fantômes du débat présidentiel (Nathalie Saint-Cricq et Christophe Jakybyszyn), Yann L'Hénoret et tout ceux que j'ai vu impliquer dans la campagne n'ont franchement pas été à la hauteur de l'évènement.
Si on prend, par exemple, le fameux Yann L'Hénoret, invité chez Yann Barthes. Et bien rien que le fait de l'entendre dire que le principal but du reportage sur l'élection de notre nouveau président reposait sur un maximum d'objectivité, j'en ai failli régurgiter ma part de pizza de façon sommaire sur la table. Ses arguments portaient surtout sur qu'il n'y avait pas de voix off, pas d'interview, pas de questions posées, mais juste un micro-cravate porté H-24. Grossière erreur mon ami ! Même moi je l'ai faite !

Mettons les choses au clair à travers une anecdote très personnelle : de la communication, j'en ai fait pendant mes études et j'ai été marqué par ce cours car nous avons toujours étudié le sujet d'une façon particulière. Cela s'appelait l'Histoire de la communication.
En effet, au début pas franchement emballé par le contenu du cours, je devais tout de même rendre une analyse complète sur un produit de communication de mon choix. Je choisissais donc, le zapping de Canal +, émission star de la chaîne cryptée, où des extraits drôles, émouvants, marquants, désolants d'émissions de toutes les chaines confondues étaient mis bout à bout de façon assez spectaculaire pour faire réagir les gens.
J'avais présenté mon analyse, en basant mon discours sur son objectivité, vu qu'il n'y avait pas de présentateurs, pas de voix off, pas d'interventions humaines. A la fin de ma présentation, mon professeur a loué le travail et le temps que j'avais passé sur cette analyse, mais était navré...
"Vous êtes tombé dans le piège", m'a t-il dit avec un petit sourire en coin. Et de rajouter :
L'objectivité en communication n'existe pas ! La moindre seconde de diffusion d'émission télé, la moindre ligne d'écriture dans un journal est caractéristique de l'expression d'une opinion ou d'un point de vue, celui de son auteur et/ou de celui qui a eu l'idée de celle-ci.

Passé mon étonnement, la révélation qui en suivit changera en tout et pour tout ma façon de voir les choses.
D'où que vienne l'information, personne n'est prophète de la vérité et de la neutralité, même s'il en est persuadé.
Je ne dis pas que c'est mal, je ne dis pas que c'est bien. C'est juste un élément fondamental à prendre en compte lorsqu'on veut relayer une information.


La revue de presse


Or, vous allez me dire : "Ouais mais du coup, si on veut savoir la vérité sur un évènement, comment fait on ?"
Et bien, c'est simple sans l'être. Selon ce même professeur dont j'ai oublié malheureusement le nom, la recherche et la proximité de la vérité est possible. La vérité à 100% non.
Si vous voulez vous renseigner sur n'importe quel sujet, le meilleur moyen de le "connaître vraiment" est la "revue de presse" (qui est plus vu comme un concept qu'autre chose).
En gros, vous prenez au moins 3 supports de communication à la ligne éditorial complètement différente et qui parle du sujet en question. S'ils disent la même chose sur le sujet dans les 3 supports, c'est que vous commencez à vous rapprocher de la vérité.

Objectif, vraiment ?


Voilà donc pourquoi ma part de pizza a eu du mal à passer. Quand Yann L'Hénoret prétend tendre vers l'objectivité avec son reportage sur Monsieur Macron, il dupe les gens, ou alors, s'il y croit vraiment, c'est que c'est un peu plus grave que je ne le pensais. Lorsqu'il choisit parmi tout les rushs qu'il a effectué durant les 200 jours de reportage auprès de notre désormais président, telle séquence par rapport à une autre, c'est déjà un choix subjectif qu'il fait, et la séquence qu'il souhaite montrer, témoigne d'une seule vision de la campagne d'Emmanuel Macron : la sienne.

De plus, diffuser ce reportage le lendemain de la victoire du candidat d'En Marche, sur TF1 en prime time, en l'appelant "Les coulisses d'une victoire" sous entend qu'il ne pouvait pas en être autrement. Or, pourquoi avoir choisi de le suivre lui, et pas Marine Le Pen ou Jean Luc Mélenchon ? Ou alors en espérant qu'ils avaient prévu un autre nom pour le reportage, est ce que sa diffusion aurait été la même s'il avait perdu cette élection ?

Bref, ce n'est pas la première fois que les journalistes balancent des notions d'objectivité à tout va, et à chaque fois, ça me laisse bouche bée. C'est pourtant un métier noble que j'aurais bien voulu pratiquer à une certaine période de ma vie. Pour des raisons de créativité, je me suis tourné vers autre chose. Mais, pour ma part, les journalistes et les communicants ont une responsabilité énorme. Or, je n'ai pas l'impression qu'ils en aient conscience et ceux qui nient l'influence de leur métier sur les gens sont irresponsables. Comment peut-on nier l'importance d'un article, ou un d'un reportage quand celui qui le fait, sait qu'il sera lu des milliers, voir des centaines de milliers de fois ?

Encore aujourd'hui, le journal de TF1 est le journal télévisé le plus regardé d'Europe (voui, voui, je vous assure) cumulant à environ 25% de part de marché chaque jour, ce qui correspond à plus de 6.000.000 de personnes. Presque 10% de la population française (Ces chiffres sont des estimations, comme l'atteste cet article de 2016 : http://www.ozap.com/actu/audiences-le-20-heures-de-tf1-en-grande-forme-hier/498468, si vous voulez des chiffres plus exactes, google est votre ami).
Et là, on parle de médias traditionnels, qui pourraient même être qualifiés de vieillots. Car aujourd'hui, il faut rajouter tout les nouveaux supports de communications issus du digital.

Les gens qui cherchent l'information, se basent sur ce qu'on met à leur disposition ou ce qu'on leur propose. La personne qui veut en savoir plus sur la personnalité d'Emmanuel Macron et qui habite dans le fin fond de la pampa française par exemple, bon et bien, si elle a une télé et qu'elle est un peu comme tout le monde d'un point de vue recherche d'informations (malheureusement, y compris moi), elle va se contenter de ce qu'on lui donne (Ne me regardez pas comme ça, vous voyez très bien ce que je veux dire...). Du coup, TF1 étant un média de masse, elle va y tomber dessus, et se faire une idée à elle sur le Président Macron grâce à ce reportage (bonne ou mauvaise, là n'est pas la question). Mais va t'elle se dire que le reportage est seulement une vision des choses, de la part de l'auteur ? Ou comme l'auteur jure en crachant que c'est la vérité vraie, il ne peut en être autrement ?
A partir de ce constat, le timing de la diffusion, la chaîne choisie, les séquences choisies, la musique choisie, le candidat choisi et beaucoup d'autres choix effectués, ne peuvent être annoncer comme objectifs, neutres ou le fruit d'une coïncidence.
Ce sont des choix, donc de la subjectivité.

Donc, Monsieur Yann L'Hénoret, Monsieur Bourdin, Monsieur Barthes, Madame Elise Lucet, et tous les autres, vous n'êtes donc pas objectifs, ni neutres. Ne prétendez pas l'être. Moi même, je ne le suis pas, et mon parti pris dans cet article l'atteste. Je ne le nie pas, je ne le revendique pas, je le constate.
Chaque mot de chaque question de chaque interview est important. Comme la meilleure manière d'être objectif, c'est de ne rien dire, je ne veux surtout pas en arriver là. Je ne pense surtout pas qu'il faut s'empêcher de dire quoique ce soit ou de poser telle ou telle question, bien au contraire. Il faut les poser, mais il ne faut pas se prétendre détenteur de la vérité, et prendre les gens pour des naïfs.

Vous êtes garants, mesdames et messieurs les communicants, d'une vision des choses comme chacun peut en avoir une quand il parle de quelque chose. Il faut juste l'assumer, être sincère et honnête dans sa façon de communiquer, et surtout, par dessus tout accepter de se tromper si ça arrive.

Le Monde de V n'est rien d'autre que ça. Un échange de point de vue, et c'est écrit dans la baseline en dessous du logo : "Mon monde, le votre". C'est une histoire de confrontation d'idées, d'échange, de ma vision du monde en sollicitant la votre.

Du coup, mon monde en devient très subjectif et c'est mieux comme ça. Et le votre ?

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Pour revoir le replay du reportage : Replay "Macron, les coulisses d'une victoire"

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Pour complément, je rajoute une infographie sur les grands groupes de presse et de médias français, où on nous montre qui appartient à qui :

Médias français : qui possède quoi ?
Médias français : qui possède quoi ?


Source : le monde diplomatique



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